« Je vais passer pour un vieux con » de Philippe Delerm

Ou plus exactement « Je vais passer pour un vieux con… et autres petites phrases qui en disent long) »

Traquant les apparentes banalités de nos discours, nos petites phases toutes faites, Philippe Delerm révèle pour chacune un monde de nuances, de petits travers, de rires en coin. La vérité de nos vies, en somme. Tour à tour attendri, moqueur ou mélancolique, il s’attache aux détails qui nous dévoilent un monde. Des mots qui nous échappent, des instants vécus par tous.

J’ai commencé la lecture de ce recueil de textes courts (que ma copine Gisou m’a gentiment offert lors d’une de nos virées en librairie) (bisous Gisou) juste après avoir terminé le chef d’oeuvre de Philippe Claudel, « Parfums« .

Du coup, j’ai très vite reposé le Delerm, celui-ci, au bout de 3 « chapitres », ne souffrant pas la comparaison avec son illustre prédécesseur… Je me suis dit que ce n’était pas une bonne idée d’enchainer deux livres du même genre, alors j’ai intercalé un excellent policier entre ces deux auteurs (rien de graveleux, espèce de coquin(e)…) à savoir « Le Poète » de Michael Connelly, et ai donc repris la lecture de cet oppuscule delermien quelques temps après.

Et rétrospectivement, bien m’en a pris.

Car effectivement, s’il est loin d’être à la hauteur de « Parfums« , il est néanmoins très bon.

Cela dit, j’ai mi un petit temps à démarrer, à bien entrer dans le propos, à saisir où l’auteur voulait en venir exactement. Puis en fait, je me suis dit que c’était peu ou prou comme le sketch de Bigard sur les expressions toutes faites, mais en plus (beaucoup plus) (énormément plus) littéraire. Mais en moins drôle quand même.

(oui, j’admets, Bigard me fait pisser de rire)

(pourquoi je sens que ça ne t’étonne pas ?…)

Bref, chez Delerm, point de « Faites comme chez vous ! » (ben ça va être un beau bordel dans 5 minutes !) mais par exemple, « J’étais pas né »(*), cette excuse à la con que notamment les candidats aux jeux télévisés ressortent régulièrement à une question genre :

« Qui a écrit « Le rouge et le noir ? » / Je sais pas / Stendhal / Ah mais chais pas, j’étais pas né ! »

« Quand a eu lieu la St Barthélémy ? Je sais pas (moi non plus) (1572 me souffle Monlolo dans l’oreillette) (et il a raison, l’animal ouvrier féru d’Histoire…) / Ah mais chais pas j’étais pas né ! »

« Qui chante « Laisse-moi t’aimer toutounounouit » / Je sais pas / Mailleque Brante / Ah mais chais pas j’étais pas né ! »

Et la culture, bordel ???!!!

Mais je m’emporte.

Tout comme Delerm s’emporte devant Roland Garros, et les stupides et hyper gonflants « Alleeez ! » poussé par un con (oui, UN, car le « Alleeez » est exclusivement masculin comme il le fait pertinemment remarquer) et qui me saoulent profondément aussi.

Puis au-delà du sujet, il y a la façon dont Delerm le traite, sa façon d’écrire, comme par exemple pour la phrase « Comment il l’a cassé ! ». Je cite :

« Quand le Christ disait à saint Thomas : « Parce que tu as vu, Thomas, tu as cru. Heureux celui qui croit et ne voit pas », aucun des apôtres ne s’exclamait « Comment il l’a cassé! », même si le sentiment éprouvé devait être assez proche.« 

Hu hu, très visuel, je trouve, cette cène… (oui bon, scène, jeu de mot pourri, gna gna gna, je suis une horrible mécréante qui se moque et qui adore « Deux heures moins le quart avant Jésus Christ ») (et la caravane passe) (faut que j’arrête les petits jésus en sucre de Noël, ça me déglingue).

J’ai beaucoup aimé également le passage dans le texte « Nous vous invitons à vous rapprocher » (sous entendu d’un agent de la SNCF quand il y a des perturbations sur le réseau).

« Sans déflorer l’intégrité physique de respectables salariés de la SNCF contraints de subir l’agression répétée d’usagers audacieusement demandeurs d’éclaircissements sur leur destin ferroviaire – et même si votre idée première n’était pas de les violer ni de les attaquer à la machette -, vous pourrez vous en rapprocher.« 

Mais quel style, bien fleuri et tout, j’adore !!!

L’autre qualité de Delerm, c’est qu’il sait saisir ces petites choses qui nous rassemblent, comme il l’avait fait avec les petits plaisirs de la vie dans son célèbre « La première gorgée de bière… et autres plaisirs minuscules ».

C’est le cas avec le « Quand on est dedans, elle est bonne ! » que lance le premier à se jeter à l’eau, ou encore le « Et là, c’en était pas une ? » concernant LA place de parking.

Mais si, tu sais, tu tournes pendant des plombes pour te garer, et pis tu passes un peu vite dans une rue, et y’a toujours un con gens dans ta bagnole pour te dire 10 mètres trop loin « Et là, c’en était pas une ? » alors que t’es stressé et que tu boufferais des aubergines assaisonnées de pervenches…

Dans le genre, un jour, Monlolo est allé à Lyon avec des potes pour s’acheter des boules (lyonnaises, les boules) (on parle de longue, là) (boules, longue, rien de scabreux, juste du sport boules, vainzou !) Trois campagnards à la ville, dont un qui n’a pas le permis. Après être passé maintes et maintes fois devant le magasin de boules (ça laisse rêveuse, hein….) sans trouver de place de parking, Monlolo se résoud à se garer quelques rues plus loin (t’façons, hein, quand t’as pas le choix…) Après un quart d’heure de marche dans la capitale des Gaules (oh oui, des gaules… et des boules…), il arrivent devant le magasin, devant lequel, je te le donne Emile, il y avait une place. Et là, le pote qu’a pas le permis de dire à Monlolo avec un ton de reporche :

« Et pourquoi tu t’es pas garé là ? »

Hein ?

Y’a pas des coups de pied au cul qui se perdent ??? (mais le pote est costaud…)

Bref, tout ceci pour dire que Delerm sait mettre le doigt là où ça fait du bien autant que là où ça fait mal. Même si ce livre ne vaut pas l’excellent « La première gorgée de bière », il reste très bon, même si inégal.

Un peu comme un boite de chocolats (métaphore chère à Forrest Gump). Dedans il y en a que tu aimes, d’autres moins, certains dont tu rafoles… Ce qui est sûr, c’est que c’est une friandise qui passe bien, qui se mange vite, qui fait un bien fou sur le moment, mais dont le goût agréable disparaît un peu vite…

(*) Delerm finit ce texte sur une superbe conclusion que je ne citerai pas car ce serait dommage quand même de te gâcher la surprise…

« Je vais passer pour un vieux con »

Philippe Delerm

Editions du Seuil, 2012

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4 réflexions au sujet de « « Je vais passer pour un vieux con » de Philippe Delerm »

  1. Tu m’as donné envie de lire. Je suis passée devant plusieurs fois, je l’ai feuilleté et je me suis dite « encore un bouquin qui ne vaut pas le coup ».
    Eh bah ton article m’a convaincu du contraire.

    Sur ce, j’te bise au risque de passer pour une vieille conne ^^

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